Vengeance ou juste châtiment?

« Qu’as-tu vu, voyageur, dans ce pays lointain ? » demanda le Roi, de plus en plus avides des fables du conteur.
« Sais-tu, mon Roi, que Ménès succéda finalement à son père…»

Les premières années de son règne furent marquées par une prospérité digne du règne d’Osiris lui-même, mais comme pour le Dieu, cette paix ne dura pas éternellement. Sethi, l’héritier chassé et désavoué par son père, développa, à l’image de Seth, une jalousie à l’égard de son frère. Exilé dans des terres voisines, il rassembla des partisans à sa cause, et plus il voyait l’Empire du jeune Pharaon prospérer plus sa haine à son égard s’intensifiait. Le voyant sombrer de plus en plus, son épouse le convainquit d’aller voir des prêtres afin d’obtenir l’assentiment des Dieux, persuadée qu’il reviendrait à la raison avec la désapprobation de ceux-ci. Le paria finit par se plier à la demande de sa femme, et se rendit dans un temple dédié à Seth, près de la frontière égyptienne. Il expliqua au Dieu qu’il voulait sa bénédiction pour chasser du trône son frère cadet, réincarnation d’Osiris. Sans surprise, la divinité la lui accorda, heureux de voir l’histoire se répéter, et certain que, cette fois, le dénouement serait différent. Osiris ne gagnerait pas, pas une deuxième fois.

Ayant obtenu ce qu’il voulait, l’exilé remercia le Seigneur du désert et retourna auprès de sa femme, lui expliquant qu’il avait obtenu l’aval des Dieux. Celle-ci tenta, en vain, de le détourner de son obsession. Elle fut finalement contrainte de le voir partir à la tête d’une armée vers l’Ouest, vers les terres égyptiennes.

A ses larmes de désespoir, une voix lui répondit. « Ah vengeance, douce ballade qui vous entraîne peu à peu dans un cycle infernal, qui fait de vous le pantin de forces qui vous dépasse, qui vous pousse à poignarder un frère. » Elle lui demanda qui il était, ce qu’il voulait d’elle, à part la faire souffrir plus que raison. L’inconnu lui répondit par un sourire énigmatique, et lui tendit la main. Après avoir hésité quelques minutes, elle lui donna la sienne, ayant déjà trop perdu pour craindre l’étranger.

Une sensation de désorientation la saisit alors. Lorsqu’elle se dissipa, elle reconnut les terres verdoyantes du bord du Nil. Elle se tourna vers son compagnon pour le questionner, mais celui-ci lui fit signe de se taire et de regarder. Elle vit alors l’armée de mercenaires de son conjoint arriver aux portes de la ville en contrebas. A l’intérieur des murailles, des soldats attendaient sans montrer la moindre crainte, et des prêtres récitaient des prières. Tandis que Sethi s’avancer au contact des fortifications, elle comprit. Elle ouvrit la bouche pour crier, mais elle n’en eut pas le temps. La terre s’ouvrit sous les pieds de l’ancien prince, les avalant, lui et ses généraux. Les envahisseurs s'enfuirent ou tombèrent à genoux, tentant de sauver leur vie.

Le Dieu repris alors la parole. « Et lorsqu'ils verront l'enfer s'abattre sur leurs terres, ceux qui les Dieux ont offensés viendront implorer notre pitié. »
« Pourquoi ?... Pourquoi m’avoir montré ça ? »
« Tu as tenté de lui faire abandonner son projet fou. Tu avais le droit de savoir. » Alors que sa silhouette commençait à s’estomper, il ajouta : « Ton époux était banni, pas toi, tu peux revenir sur les terres de tes ancêtres. »
« Que va-t-il devenir ? Qu’allez-vous lui infliger comme punition ? Ne partez-pas ! Répondez-moi ! » Elle attendit que la divinité se manifeste à nouveau, mais seul le vent chaud de l’ouest lui répondu. Elle se laissa glisser au sol. Les minutes se transformèrent en heures, et une idée se fraya peu à peu un chemin dans son esprit. Elle l’avait perdu depuis déjà bien longtemps. Depuis qu’il s’était mis en tête de se venger. De tuer son frère. Et elle se rappela les premières paroles du Dieu. « Ah vengeance, douce ballade qui vous entraîne peu à peu dans un cycle infernal, qui fait de vous le pantin de forces qui vous dépasse, qui vous pousse à poignarder un frère. »